Si l’on cite fréquemment les noms de Van Gogh ou Picasso parmi les peintres ayant forgé la légende du Montmartre Bohème et contribué à la naissance de l’art moderne, on oublie peut-être trop souvent celui de Van Dongen. On connaît mal également les liens étroits qu’il entretient avec la Butte à son arrivée à Paris, et à quel point son court séjour au Bateau-Lavoir fut déterminant pour le reste de sa carrière.
C’est dans le cadre de la saison néerlandaise en France « Oh ! Pays-Bas » que le Musée de Montmartre présente du 16 février au 26 août l’exposition « Van Dongen et le Bateau-Lavoir », entièrement consacrée au peintre néerlandais Kees Van Dongen.
L’exposition, qui réunit près de soixante-cinq œuvres, parmi lesquelles plus de trente huiles sur toile, mais aussi des dessins, des photographies et des lithographies, propose un parcours chronologique, permettant de suivre la vie de Van Dongen et de découvrir l’évolution de son œuvre au travers de ses différents lieux de vie et de travail, notamment au Bateau-Lavoir.
Kees Van Dongen séjourne pour la première fois à Paris entre 1897 et 1898, période durant laquelle il découvre les dessins de Steinlen. A son retour aux Pays-Bas, il épouse Augusta Preintinger, dite Guus, avec laquelle il revient s’installer à Montmartre en 1899 dans un petit appartement de la rue Ordener. Très vite, le couple emménage au 10 Impasse Girardon, dans un minuscule atelier sous les toits. Van Dongen y est très heureux, et il travaille alors essentiellement en tant que dessinateur et illustrateur. Peu à peu, il s’oriente vers la peinture, et produit notamment une série de tableaux représentant des vues de Montmartre, qui seront exposés à la galerie Ambroise Vollard en 1904.
A la fin de l’année 1905, Van Dongen emménage avec sa famille au Bateau-Lavoir, probablement sur l’invitation de Picasso. Il fréquente de nombreux artistes, parmi lesquels Vlaminck et Matisse, précurseurs du fauvisme. L’avant-gardisme à Paris devient international, et l’intérêt de Van Dongen pour la vie artistique foisonnante de l’époque permet à son style d’évoluer, sa peinture s’inscrivant dans un mouvement entre post-impressionnisme, fauvisme et primitivisme, à l’écart des recherches cubistes. Il choisit pour sujet la vie nocturne à Montmartre, peignant de nombreuses scènes inspirées des spectacles de cirque et de music-hall. En 1907, Fernande Olivier, l’amie de Picasso, devient son modèle. Alors que sa femme et sa fille sont rentrées aux Pays-Bas, il quitte le Bateau-Lavoir et emménage au 35 rue Lamarck.
Il est intéressant de noter que dès lors, ses toiles deviennent plus imposantes, leur taille évoluant avec la taille des ateliers. On mesure également sa rivalité artistique avec Picasso, notamment grâce au tableau « Les Lutteuses de Tabarin », en opposition aux « Demoiselles d’Avignon ». L’exposition explorant les différentes facettes de la vie de Van Dongen, on termine le parcours sur sa période mondaine, le peintre ayant choisi de s’installer à Montparnasse en 1912, et après-guerre, d’y mener grand train.
On ne manquera pas également d’admirer les gravures issues de la publication de Roland Dorgelès « Au beau temps de la Butte » datant de 1949, les dessins de Van Dongen portant un regard à la fois rétrospectif et introspectif sur la naissance de l’art moderne à Montmartre.
L’exposition est fascinante à plusieurs égards : d’abord parce qu’elle donne à voir de nombreuses scènes de Montmartre, mais également plusieurs tableaux inédits retrouvés grâce aux recherches effectuées pour les besoins de l’exposition, et donc jamais exposées ou sous un autre titre ou dans un autre cadre. Ensuite, bien que l’espace d’exposition soit relativement exigu, la scénographie permet d’admirer les œuvres indépendamment les unes des autres, ce qui donne à chaque tableau encore plus de force et de profondeur.
Parmi les nombreux artistes qui ont créé à Montmartre, Van Dongen s’inscrit définitivement comme l’un de ceux que le quartier aura particulièrement influencé. Il s’agit du seul peintre néerlandais à avoir demandé la nationalité française (qu’il obtient en 1929), et le fait qu’il ait choisi de donner à sa villa de Monaco, achetée en 1951, le nom de « Bateau-Lavoir » tendrait à prouver que, même tardivement, Van Dongen aurait lui aussi pris conscience de l’importance de cette période dans son œuvre. Le visiteur, lui, ressort de l’exposition convaincu et surtout conquis.
Van Dongen et le Bateau-Lavoir
Du 16 février au 26 août 2018 au Musée de Montmartre
Ouvert tous les jours de 10h à 18h
12 rue Cortot, 75018 Paris