Si nombre de peintres ont marqué de leur empreinte l’histoire de Montmartre au tournant du 20e siècle, parmi lesquels Renoir, Toulouse-Lautrec, Picasso, Valadon, Utrillo et tant d’autres, on associe moins facilement le nom de Salvador Dalì à notre quartier. Pourtant, le maître catalan fait lui aussi partie des artistes qui ont fréquenté la Butte, et bien qu’il n’y ait vécu que deux ans, un musée lui est même consacré depuis 1991 à deux pas de la Place du Tertre. La sortie de Daaaaaalì, le nouveau film de Quentin Dupieux, nous a donné envie de repartir sur les pas de Dalì à Montmartre.
C’est d’abord l’amour qui fera venir l’artiste sur la Butte. Alors qu’il effectue son second séjour à Paris en 1929 pour la présentation du court-métrage « Un chien andalou » co-écrit avec Luis Buñuel, il fait la connaissance de Paul Eluard. Les deux hommes sympathisent et Dalì invite le poète, ainsi que d’autres artistes surréalistes, à lui rendre visite à Cadaquès avec son épouse, Gala. Durant le séjour, c’est le coup de foudre entre Dalì et Gala. A son retour à Paris, la jeune femme s’installe au 7 rue Becquerel, dans l’appartement acheté par son mari en juin de la même année. Très rapidement, le peintre la rejoint et c’est à cette adresse que les deux amants vivront les deux premières années de leur grand amour, et que Dalì peindra de nombreux portraits de sa muse.
C’est ensuite un parfum de scandale qui marque le deuxième passage de Dalì à Montmartre. Le 28 novembre 1930 a lieu au Studio 28 la première projection de l’Age d’Or de Luis Buñuel, dont il est une fois encore le co-auteur. Pour l’occasion, plusieurs œuvres surréalistes sont également exposées, dont certaines de Dalì. Quelques jours plus tard, suite à la polémique provoquée par le film, de violents incidents ont lieu dans le cinéma de la rue Tholozé, provoqués par les membres de ligues patriotiques et antisémites qui interrompent la séance, saccagent la salle et détruisent les œuvres exposées ; des incidents qui provoqueront la saisie des copies du film et la fermeture du cinéma durant plusieurs années.
Il faudra ensuite attendre 1956 pour retrouver Dalì à Montmartre, année durant laquelle le peintre démarre l’illustration d’une nouvelle édition du Don Quichotte de Cervantès. Certainement inspiré par les moulins de la Butte, l’artiste, en génie du marketing, convoque la presse en haut de l’avenue Junot, à deux pas du Moulin de la Galette, pour assister en direct à la création de la première estampe. La mise en scène est digne d’un film, avec un Don Quichotte remontant la rue Girardon à cheval, et un Dalì peignant une première planche avec deux cornes de rhinocéros trempées dans de la mie de pain imbibée d’encre !
🎥 Don quichotte et Salvador Dalì au Moulin de la Galette
Il faut dire que la loufoquerie de Dalì correspondait bien à l’esprit du quartier, à tel point qu’il a même failli « officiellement » devenir Empereur de Montmartre, à la demande de Lucie Valore, l’épouse de Maurice Utrillo, qui s’était elle-même auto-proclamée Impératrice. A défaut d’avoir régné sur la Butte, l’artiste y a aujourd’hui son musée sur la Place du Calvaire, Dalì Paris. Créé en 1991, y sont exposées plus de 300 œuvres issues de la collection privée de Beniamino Levi, un italien passionné par le génie créatif du catalan.
C’est enfin à Montmartre que les fans de Dalì pourront acheter l’une des ses œuvres, que ce soit dans la galerie attenante au musée, ou à la Galerie Montmartre sur la Place du Tertre, où l’on trouve la collection complète des bronzes de l’artiste ; c’est fou !