Charles Aznavour restera sans doute comme l’un des plus grands chanteurs du 20e siècle. Toute sa vie, il entretiendra un rapport particulier à Montmartre ; parce qu’il y fit ses débuts, parce qu’il y vécut, mais surtout parce le quartier lui inspirera l’un ses ses plus grands succès. Toutes générations confondues, qui n’a jamais fredonné le premier couplet de « La Bohème » ? A l’heure où vient de sortir en salle le film Monsieur Aznavour, il est temps de partir sur les pas de Charles Aznavour à Montmartre.
Né à Paris en 1924, Charles Aznavour grandit rive gauche, mais se rend souvent le dimanche du côté de Pigalle pour voir des films russes avec ses parents. C’est dans ce même quartier que la famille s’installera durant la Seconde Guerre mondiale, au 22 rue de Navarin dans le 9e arrondissement. Quelques années plus tard, tandis qu’Edith Piaf le prend sous son aile, il fréquente assidument les cabarets de la Butte, courant le cachet Chez Pomme rue Lepic, Chez Geneviève rue du Chevalier de la Barre ou encore chez Patachou rue du Mont-Cenis.
En 1954, il est repéré par le patron du Moulin Rouge qui l’engage pour trois mois. La même année, il rencontre sa seconde épouse Evelyne Plessis, avec qui il s’installe un an plus tard dans un minuscule appartement au 18 rue St-Rustique, juste au dessus du restaurant La Bonne Franquette. Le couple y restera deux ans, mais Charles, dont la carrière commence à décoller, passe plus de temps dans les bars et les cabarets du quartier qu’auprès de son épouse. C’est également à cette époque qu’il fréquente le Lapin Agile, où il se liera d’amitié avec Yves Thomas, futur patron du cabaret. De nombreuses années plus tard, il y écrira dans le livre d’or : “« Ici, là où ma vie a changé, je me sens heureux, enfant de Paris. J’ai été un moment, un jeune garçon de la Butte… »
La Maison Rose fut l’un de ses autres lieux de prédilection. Il n’est ainsi pas rare de l’y retrouver attablé avec ses amis Mouloudji, Francis Lai ou Bernard Dimey entre autres. En 2015, il lui consacrera même une chanson où il racontera : “Je dévalais de Saint Rustique, Pour, flanqué de quelques copains, Prendre des cuites homériques, En parlant de tout et de rien.”
En 1955, Charles Aznavour avait déjà écrit une chanson sur le quartier avec son complice Pierre Roche, « Les Nuits de Montmartre », pour le film du même nom avec Jean-Marc Thibault et Louis Seigner. Dix ans plus tard, sur des paroles de Jacques Plante, il compose « La Bohème », devenu un classique de la chanson française. Parmi les quelques 1200 titres interprétés par Aznavour, La Bohème est certainement parmi les plus connues de son répertoire. Destinée à Georges Guétary pour l’opérette Monsieur Carnaval, c’est finalement l’enregistrement de Charles qui connaîtra le plus de succès. Adaptée en cinq langues, La Bohème fera le tour du monde et ancrera Montmartre dans l’imaginaire collectif.
Charles Aznavour restera à jamais associé à l’esprit de la Butte. En 1996, il mettra en musique les poèmes de Bernard Dimey et posera attablé à la terrasse de La Mère Catherine. En 2009, il sera parrain de la Fête des Vendanges, avant de rendre un dernier hommage à son quartier de coeur dans la chanson « La Maison Rose » en 2015. La même année, il retournera au Lapin Agile pour y saluer son ami Yves Thomas.
A l’occasion du centenaire de sa naissance en mai 2024, une plaque commémorative à son nom a été dévoilée 22 rue de Navarin, puis en juin sur la façade de La Bonne Franquette. Enfin, depuis le 25 mai 2024, la dénomination Belvédère de la Bohème a officiellement été attribuée à une partie de la rue de la Bonne, à hauteur de la rue Saint-Vincent et au-dessus du parc Marcel Bleunstein-Blanchet ; un bel hommage pour celui qui chanta : « La France sans Paris serait un corps sans âme, mais Paris sans Montmartre serait un cœur sans joie”. Merci Monsieur Aznavour.