La rue d’Orchampt fait partie de ces rues montmartroises connues de tous mais dont on oublie régulièrement le nom, parce que pour beaucoup, il s’agit surtout de celle de la maison de Dalida. Pourtant, son histoire est plus ancienne, et elle abrite d’autres lieux tout aussi charmants qu’hétéroclites et intéressants.
On sait peu de choses sur son origine, si ce n’est qu’il s’agissait d’une voie privée qui portait vers 1860 le nom de son propriétaire, monsieur Barthélémy, puis qui fut rebaptisée rue d’Orchampt vers 1878, du nom de son nouveau propriétaire. Elle ne sera classée voie publique qu’à la suite de l’arrêté préfectoral du 6 avril 1984.
Au numéro 1, les jolis ateliers d’artistes sont les seuls bâtiments qui subsistent du Bateau Lavoir d’origine, construit en 1889 par Paul Vasseur et entièrement détruit par un incendie en 1970. Des artistes y vivent toujours. Juste en face au numéro 2, le petit pavillon sur rue et jardin a quant à lui été construit en 1882 par l’architecte Félix Bienaimé.
Un peu plus loin au numéro 5, impossible de ne pas tomber sous le charme de la petite maison en briques rouges, vestige de l’exposition universelle de 1889, où Georges Courteline vécut quelques années avant de s’installer rue Lepic (certainement au début des années 1890). L’auteur de théâtre aimait tellement Montmartre qu’il prétendait y être né (alors qu’il était tourangeau), mais ses grands-parents possédaient effectivement une maison de vacances au 40 rue du Chevalier de la Barre (ancienne rue Fontenelle) où il passait tous ses étés. Un tableau signé A.R. Noulin (mais non daté) représente la maison qui semble alors être un bistrot dénommé Le Chalet de la Butte.
Si selon une lettre autographe non datée, il semblerait que Paul Newman ait séjourné au numéro 11, c’est bien au 11 bis que Dalida vécut de 1962 à 1987. Construite en 1927 par l’architecte Jean Boucher pour son propre compte, certaines sources indiquent que l’écrivain Céline aurait vécu dans cette maison entre 1929 et 1944, avant de s’installer rue Girardon. La confusion semble probable avec le 98 rue Lepic, où il a en effet résidé, et qui se trouve collé à la maison de la rue d’Orchampt. Propriété d’un comte, la maison est mise en vente en 1961, et alors qu’elle intéresse également Jean-Paul Belmondo, c’est finalement Dalida qui l’acquiert. Il faut dire que la demeure avait tout pour plaire, située au fond d’une voie encore privée à l’époque, avec son jardin et sa vue exceptionnelle sur tout Paris. C’est pourtant là que la chanteuse mettra fin à ses jours en 1987. La maison a ensuite été divisée en appartements qui ont été progressivement revendus.
La rue, longue de 136 mètres et large de 3, forme au niveau du 11 bis un coude à angle droit, et cette portion jusqu’à la rue Lepic accueille le plus petit trottoir de Paris. C’est là que Romain Duris et Audrey Tautou s’embrassent pour la première fois dans L’Auberge Espagnole de Romain Duris. Par contre, ne cherchez pas le 75 bis, il n’existe pas, même si Marcel Aymé y fait résider le fameux Monsieur Dutilleul, héros du Passe-Muraille. Dernière anecdote : selon la liste officielle des bombes d’avions et de zeppelins lancées sur Paris et la banlieue durant la première guerre mondiale, la rue aurait été bombardée par un raid allemand le 2 septembre 1914.
En vous baladant rue d’Orchampt, observez bien les portes d’immeubles et tous les petits détails… Très appréciée des street-artistes, elle a peut-être encore bien des histoires à raconter !