Avant que la place du Tertre ne devienne un parc à touristes, il fut un temps où celle-ci était une vraie place de village. Déjà, de nombreux peintres y avaient “élu domicile”, peignant sur le motif un quartier oh combien inspirant. A quelques mètres de là, ils ont longtemps trouvé refuge au 14 bis rue Norvins. A cette adresse, on trouvait un restaurant, Le Vieux Chalet, mais aussi une galerie, tenue jusqu’à son dernier souffle par Robert-Philippe Federici, disparu en février 2024.
Niçois d’origine, Robert-Philippe n’a qu’une dizaine d’années lorsque ses parents rachètent Le Vieux Chalet en 1948. Le lieu, acquis en 1902 par la mère Adèle, ex danseuse de french cancan et ancienne gérante du Lapin Agile, est constitué d’un terrain et d’une cabane en bois dont de nombreux artistes, parmi lesquels Picasso, ont fait leur “cantine” depuis des années. A la fin des années 50, suivant le plan de sauvegarde et de restauration du vieux Montmartre établi par Claude Charpentier, le couple Federici fait construire un petit immeuble de deux étages sur la rue. Leur fils, qui rêve plutôt d’une carrière d’acteur, travaille avec eux. Etant également passionné d’art, il a un jour l’idée de vendre les tableaux des peintres qu’il côtoie sur la Place du Tertre dans un local attenant au restaurant. Et ça marche ! Parce que Robert a un oeil, et sait repérer ce qui plaît, notamment aux américains. C’est ainsi qu’il découvre Renoux, Stupar, Calogero ou encore Masuda, qui deviendront également ses amis.
Fin 1964, Robert-Philippe fait la connaissance de Paule, montmartroise depuis plusieurs générations, dont il tombe fou amoureux. La jeune femme est relieuse d’art, mais travaille aussi régulièrement le soir au Poulailler, établissement voisin du Vieux Chalet. Leur histoire d’amour durera 60 ans, bien qu’ils ne se soient mariés qu’en 2019 ! Car Paule a son caractère, et malgré une première demande peu de temps après leur rencontre, la jeune femme n’avait à l’époque pas envie de se laisser passer la bague au doigt : “Je l’aimais bien mais je n’étais pas follement amoureuse. Alors qu’à la fin, j’ai adoré Robert, c’est pas la même chose ! J’ai aimé le dorloter quand il était âgé, parce qu’il avait une fragilité que moi je n’avais pas.” On pourrait écouter Paule nous parler de son Robert durant des heures : “il faut dire qu’il était très beau, très coquet, très anglais de style, avec sa veste et son petit foulard.”
A la mort de ses parents, Robert-Philippe reprend le Vieux Chalet tout en gardant sa galerie, soutenu par Paule, qui en plus de son travail, l’accompagne pour le service du soir. A l’âge de la retraite, elle rejoint le restaurant à temps complet, et le couple continuera encore 25 ans à faire vivre ce lieu hors du temps, en y proposant une cuisine traditionnelle simple et généreuse.
Paule et Robert-Philippe sont restés discrets toute leur vie. Durant 50 ans, ils ont incarné le Vieux Chalet et son esprit authentique. Dans sa galerie, Robert-Philippe a accueilli tous les plus grands peintres montmartrois. Et c’est dans ce lieu historique que seront vendues aux enchères le 4 novembre prochain une partie des 450 oeuvres appartenant au fonds Robert-Philippe Federici ; une collection témoin de l’exceptionnelle richesse artistique de Montmartre. Deux autres ventes sont également organisées en parallèle, l’une online du 14 au 21 novembre, l’autre le 15 novembre rue Drouot.
Et parce que la déjà très belle histoire du Vieux Chalet méritait bien un dernier rebondissement, la collection Federici pourrait bien encore réserver une dernière grosse surprise…
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Merci à Paule Federici pour sa confiance.
Crédits illustrations : 1. Carte postale publicitaire – 2. Léon COWORESQUIEVA – 1949 (sous réserve) – 3. André Renoux – 4. Carte postale années 50