Dehors, il faisait un froid polaire, et c’était d’un bonnet dont on aurait eu besoin ce jour-là plus que d’une perruque. Mais il a suffi qu’on passe la porte du 4 rue Houdon pour oublier la météo, instantanément réchauffées par le maître des lieux, son grand sourire et sa générosité. Rencontre avec Raphaël, perruquier du Crazy Horse depuis 27 ans et coiffeur à Montmartre depuis plus de 50 ans !
La première chose dont Raphaël nous parle, c’est du quartier : « je le connais bien forcément, même si je ne sors pas beaucoup de mon salon. Mais je le vis au travers des gens que je coiffe. Ça a quand même pas mal changé non ? » Tout l’inverse du lieu, qu’on croirait sorti d’un film de Georges Lautner avec Delon ou Belmondo. Notre œil est immédiatement attiré par les casques séchants et les bigoudis :
– Oh la la, ma maman avait les mêmes !
– Oui, c’était très à la mode dans les années 70-80, et beaucoup moins agressif pour les cheveux que le brushing.
– Mais vous les utilisez toujours ?
– Bien sûr ! J’en fait de moins en moins, mais j’ai toujours quelques clientes qui viennent pour des mises en plis.
La conversation est lancée, et quand il s’agit de parler cheveux et coiffure, notre homme est intarissable ! Il faut dire qu’avec 60 ans de métier au compteur, il a de quoi raconter. Raphaël n’a même pas 15 ans quand il démarre son apprentissage, à l’époque dans la seule école de coiffure d’état où il enseignera d’ailleurs quelques années plus tard. Diplômes en poche, il commence à exercer dans différents salons, et travaille durant deux ans en tant que coiffeur chez un perruquier, où il réalise pas moins de 126 perruques pour la revue de Zizi Jeanmaire et Roland Petit au Casino de Paris. Est-ce que parce qu’un certain Yves Saint-Laurent, créateur des costumes, lui glisse un jour au sujet de son travail « c’est divin » ? Toujours est-il qu’il se découvre une véritable passion pour l’exercice ; il n’a que 24 ans. Un plus tard, en septembre 73, il ouvre son propre salon de coiffure à Pigalle. « Quand j’ai acheté, c’était déjà un salon de coiffure, et il y avait une dizaine de casques séchants en plein milieu ». Cinquante ans plus tard, Raphaël est toujours là, et les casques séchants aussi !
Mais revenons-en aux perruques, car si Raphaël est d’abord coiffeur, il est surtout l’un des artisans perruquiers les plus connus et reconnus du métier. « La perruque s’est démocratisée dans les années 70 grâce aux matière synthétiques. A l’époque, c’était un véritable accessoire de mode. Aujourd’hui, je travaille surtout pour le monde du spectacle, mais également pour des besoins liés à des problèmes de santé : cancers, alopécie, calvitie… ». Raphaël nous a même raconté qu’il avait réalisé des barbes et des moustaches pour la BRI ! Mais s’il a toujours fait des perruques, on peut dire que sa carrière a décollé le jour où il est devenu le perruquier officiel du Crazy Horse : « Quand j’ai appris que Poulain, qui travaillait depuis toujours avec le cabaret, cessait son activité, j’ai contacté le Crazy et j’ai relevé le défi ». Et tout comme Saint-Laurent quelques années plus tôt, Sophie Bernardin est devenue dingue des perruques de Raphaël. C’est d’ailleurs à lui qu’on doit les fameuses coiffures de couleur qui n’existaient pas à l’époque, et aujourd’hui connues dans le monde entier.
On l’a dit, Raphaël a travaillé pour les plus grands, et ses expériences sont innombrables. Encore récemment, il a conçu des perruques pour Chantal Thomass et pour les 160 ans de la Maison Ladurée. Mais il réalise également beaucoup de perruques pour des personnes atteintes de maladies, et est très engagé auprès d’une association qui accompagne les femmes souffrant de cancers : « je crois que rien n’est plus gratifiant que de voir quelqu’un être heureux grâce à une perruque. Je me sens utile, c’est ça la vraie récompense ».
Raphaël est un bourreau de travail, et il n’est pas rare de voir de la lumière dès 7 heures du matin dans le salon de la rue Houdon. Bien qu’il ait largement atteint l’âge de la retraite, il n’a aucunement l’intention de s’arrêter : « je vous l’ai dit, je suis passionné par mon métier, et tant que je pourrai, je continuerai ! ». Nous, on aurait pu poursuivre la conversation pendant des heures, surtout quand Raphaël a commencé à nous montrer les perruques en détail et à sortir des photos…
– Au fait, on vous a dit qu’on adorait aussi votre devanture ?
– Ah ! C’est gentil ! Vous savez quoi, je l’ai faite moi-même avec un client !
Décidément, Raphaël a vraiment tous les talents…
📍 Raphaël Coiffure - 4 rue Houdon - @raphaelperruque