Située au pied de la Butte Montmartre, à la lisière du 18e et du 9e arrondissement, c’est loin d’être la plus grande ou la plus belle des places parisiennes, et pourtant, c’est certainement l’une des plus connues. D’abord réputée pour son effervescence artistique à la fin du XIXe siècle, puis pour ses fréquentations sulfureuses jusque dans les années 80, la Place Pigalle n’est plus, depuis plusieurs années, que l’ombre d’elle-même. Bonne nouvelle : la place devrait bientôt être réaménagée. De quoi nous donner envie d’en savoir un peu plus sur son histoire.
Un p’tit jet d’eau, une station de métro entourée de bistrot… Ça vous dit quelque chose ? Pigalle bien entendu répondront les moins jeunes, quant aux autres, on vous invite à réécouter la fameuse chanson de George Ulmer, qui décrit parfaitement ce que fut la place, et plus globalement le quartier, au milieu du siècle dernier. Aménagée en 1826 par un certain sieur Brack et nommée Place de la Barrière Montmartre à l’emplacement du mur des Fermiers Généraux qui séparait Paris de Montmartre, elle fut renommée en 1864 du nom du sculpteur Jean-Baptiste Pigalle. Ce n’est néanmoins pas à lui mais à l’architecte Gabriel Davioud que l’on doit un an plus tôt l’édification de la célèbre fontaine qui fit tout le charme du lieu.
Pourtant à l’époque, la fontaine servait surtout d’abreuvoir et de lavoir, avant qu’elle ne devienne le lieu de rendez-vous des toutes les jeunes femmes qui rêvaient de poser pour les peintres impressionnistes dont les ateliers se situaient aux alentours. Celles-ci se retrouvaient tous les lundis autour de la fontaine où les artistes venaient faire leur « marché ». Mais la Place était également réputée pour ses nombreux cafés artistiques et littéraires, parmi lesquels L’Abbaye de Thélème au N°1, Le Rat Mort au N°7 ou encore La Nouvelle Athènes au N°11, fréquentés par Renoir, Maupassant, Van Gogh ou Zola.
Dans l’entre deux guerres, ce sont les musiciens qui venaient y vendre leurs services pour jouer dans les boites et autres restaurants du quartier. Des lieux sulfureux dont la réputation ne date pas d’hier, puisqu’à l’époque du mur des Fermiers Généraux puis sous le Second Empire, le quartier était déjà celui de la prostitution. Mais c’est aux alentours de 1910 que le quartier devient vraiment chaud, accueillant truands et autres souteneurs, qui le rendent aux yeux de certains totalement infréquentable… Il faut dire qu’il s’en passe de belles, entre crimes et règlements de comptes, et on estime que le quartier comptait, dans les années 30, plus de 150 « bordels » et autres maisons closes…Des années 20 aux années 80, le quartier deviendra aussi celui du grand banditisme, dominé par les mafias corses, marseillaises puis nord-africaines.
Depuis, le quartier a beaucoup changé, et si l’insécurité y est certes moins grande, la place ne présente plus grand intérêt, sauf pour les touristes venus s’encanailler dans les quelques sex-shops et bars libertins qui subsistent alentour. Pour les autres, notamment les montmartrois, la place n’est plus qu’un lieu de passage que l’on traverse lorsqu’on descend la Butte pour rejoindre Paris, où encore pour prendre le métro. Le projet de réaménagement, qui prévoit entre autre de végétaliser en partie le lieu et de donner plus de place aux piétons, s’annonce donc salutaire et bienvenu.