La tradition littéraire montmartroise ne date pas d’hier, et si l’on considère souvent Montmartre comme le berceau de l’art moderne, on pense plus souvent à la peinture qu’à la littérature… Pourtant, notre quartier a longtemps occupé une place importante dans la vie des lettres, ayant hébergé des écrivains et des poètes aussi illustres que Dorgelès, Céline, Max Jacob, Prévert ou encore Boris Vian. C’est entre autre pour rendre à Montmartre la place qui lui revient dans l’histoire de la littérature que Marie-Rose Guarnieri a eu l’idée, alors qu’elle venait tout juste d’ouvrir la Librairie des Abbesses il y a vingt ans, de créer un prix littéraire.
Retour en 1998. Après dix années passées à L’Arbre A Lettres, librairie renommée du 5e arrondissement de Paris, Marie-Rose Guarnieri décide d’ouvrir son propre lieu, traverse la Seine et reprend ce qui était déjà une librairie depuis longtemps rue Yvonne Le Tac. Elle transforme alors complètement l’endroit à son image, pour en faire une vraie librairie de quartier, où les montmartrois puissent venir redécouvrir tous les plaisirs de la lecture. Mais Marie-Rose n’est pas une libraire comme les autres, et en plus d’être plus que passionnée par son métier, elle a surtout à cœur de transmettre. Tous les jours, elle découvre des auteurs de grand talent trop souvent méconnus du grand public, et c’est pour leur faire franchir les murs de sa librairie qu’elle décide de créer un prix littéraire qui soit totalement ancré dans l’esprit du quartier ; un prix avant-gardiste, qui soutiendrait des esprits fugitifs, et qui s’inscrirait en marge des prix souvent trop prévisibles de la traditionnelle rentrée littéraire.
Elle rencontre Michel Bessières, propriétaire de la Brasserie Wepler, une véritable institution dans le quartier fréquentée depuis longtemps par de nombreux écrivains, qui la suit immédiatement dans l’aventure, et fait appel à la Fondation La Poste pour soutenir le projet. En 1998, le premier Prix Wepler-Fondation La Poste est remis à Florence Delaporte pour son roman « Je n’ai pas de château » publié aux Editions Gallimard. Depuis vingt ans, le Prix n’a cessé de gagner en notoriété, et fait aujourd’hui partie des dix premiers grands prix littéraires en France, reconnu pour son audace et son exigence d’indépendance. Le Prix a notamment pour particularité d’être intégralement renouvelé chaque année, et d’être composé pour moitié de professionnels et d’amateurs, parmi lesquels un.e postier.e ainsi qu’une détenue qui reçoit la sélection en prison.
Le Prix Wepler-Fondation La Poste constitue une véritable opportunité pour les auteurs récompensés, puisqu’en plus de son aspect médiatique, il est doté de 10 000 € et la mention de 3000 €. Depuis vingt ans, le Prix a récompensé des auteurs audacieux, souvent inclassables, et a contribué à redonner de l’éclat à la tradition littéraire montmartroise. Lundi 13 novembre, ce bel anniversaire a été célébré comme il se doit à la Brasserie Wepler, en présence de nombreuses personnalités du monde des lettres et des arts. Cette année, ce sont deux premiers romans qui ont été récompensés, le Prix étant attribué à Guillaume Poix pour « Les Fils Conducteurs » (Verticales), et la mention spéciale à Gaël Octavia pour « La fin de Mame Baby » (Gallimard, collection Continents Noirs).
En ouvrant la Librairie des Abbesses il y a vingt ans, Marie-Rose Guarnieri s’était posée la question de savoir ce que Prévert attendrait de ce lieu s’il le fréquentait. Et c’est parce qu’elle a toujours considéré que les libraires avaient un vrai rôle à jouer dans la vie des arts qu’elle a eu envie de s’engager en créant un prix. Mission accomplie grâce au Prix Wepler-Fondation La Poste qui fait aujourd’hui rayonner Montmartre dans le monde des lettres bien au-delà de la Place Clichy ; un prix que n’aurait certainement pas renié le grand Prévert, et dont Marie-Rose peut être vraiment fière…