Bien loin de n’être que de simples outils de communication, les affiches sont, à juste titre, considérées depuis le XIXe siècle comme de véritables oeuvres d’art ; preuve en est la splendide exposition “L’Art Est Dans La Rue” programmée jusqu’au 6 juillet 2025 au Musée d’Orsay. Mais saviez-vous que l’art de l’affiche était aussi étroitement lié à l’histoire de Montmartre ?
C’est Jules Chéret, considéré comme le père de l’affiche moderne, qui ouvre le bal. En 1858, l’affiche qui va le faire connaître est celle d’Orphée aux Enfers de Jacques Offenbach, opéra bouffe dans lequel figure le célèbre Galop Infernal qui deviendra dix ans plus tard la musique emblématique du French Cancan. En y injectant de la couleur, du mouvement et une esthétique festive, c’est à lui que l’on doit parmi les premières et les plus belles affiches de cabarets, pour beaucoup montmartrois, parmi lesquelles celle de l’inauguration de Moulin Rouge en 1889, mais aussi pour le bal de l’Elysée Montmartre, les Folies Bergères ou encore le Bal Tabarin. Parmi les plus de mille oeuvres réalisées durant sa vie, il sera aussi l’auteur d’affiches pour l’Hippodrome de Montmartre ou encore le magasin A la Place Clichy. La “Chérette”, femme fantasmée, sexualisée à outrance, mise en scène dans ses affiches est identifiée comme le premier avatar de la femme fatale qui scandalise mais qui fait vendre.* Mort à Nice en 1932, il est inhumé au cimetière Saint-Vincent.
Comment parler de l’art de l’affiche sans évoquer Toulouse Lautrec ? Bien qu’il ne soit l’auteur que de 31 affiches au total, celles-ci ont largement contribué à sa renommée mondiale et font partie intégrante de son oeuvre. En 1891, il réalise sa première affiche, « Moulin Rouge – La Goulue », qu’il n’hésite pas à exposer à côté de ses peintures, notamment au Salon des Indépendants. Lautrec bouscule les codes en captant l’âme du Montmartre nocturne, celle des danseuses, des chanteurs, des personnages hauts en couleur. Suivront ensuite, entre autres, les affiches du Divan Japonais représentant Yvette Guilbert, ainsi que celles pour Aristide Bruant, dont le Concert des Ambassadeurs, dont Bruant exigea que tout Paris en soit recouvert sous peine de ne pas chanter !
A la même époque, un autre nom s’impose : celui de Théophile-Alexandre Steinlen, auteur de l’affiche mythique de la tournée du Chat Noir. Si on lui doit de nombreuses autres affiches de spectacles, comme celle d’Yvette Guilbert aux Ambassadeurs, ou encore pour des produits de consommation comme le Lait Pur de la Vingeanne ou les motocycles Comiot, il est fait aussi partie des artistes les plus engagés, inventeur d’une rhétorique graphique conçue pour frapper l’opinion publique dans l’espace urbain.* Il repose non loin de Jules Chéret au cimetière Saint-Vincent.
Moins glorieux, Adolphe-Léon Willette, candidat ouvertement antisémite aux élections législatives de 1889 et co-fondateur de la République de Montmartre en 1921, fait partie des affichistes les plus prolifiques de la fin du XIX” siècle, qu’il s’agisse de vanter les mérites du fer Bravais contre l’anémie ou du cacao Van Houten.
Parmi les autres peintres montmartrois s’étant fait un nom dans l’art de l’affiche, on peut aussi citer Ibels, Bonnard ou encore Vallotton qui formeront le groupe des Nabis.
Montmartre n’a pas seulement abrité les artistes de l’affiche, il les a inspirés et pour certains révélés. L’un des éléments qui fait de Montmartre un haut lieu de l’affiche est l’essor des lieux de divertissement, mais également son contexte social. Ces affiches ont prouvé qu’un support éphémère pouvait porter un message à la fois esthétique et culturel ou politique fort. Elles ne se contentent pas de vendre un spectacle ou un produit, elles racontent une époque, un lieu, une atmosphère.
▶︎ L’Art est dans la Rue au Musée d’Orsay – Jusqu’au 6 juillet 2025
*Extrait du catalogue d’exposition
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