De Prévert, on connaît surtout ses textes et ses poèmes. Qui en effet n’a jamais fredonné “Les feuilles mortes” ou récité “Le cancre” ? On sait aussi que c’est à lui qu’on doit, entre autres, le scénario des Enfants du Paradis ou encore du Quai des Brumes de Marcel Carné. Mais on oublie trop souvent que si Jacques Prévert a toute sa vie joué avec les mots, il le fit aussi avec les images. A l’occasion de la célébration du centenaire du surréalisme et du soixante-dixième anniversaire de l’installation du poète au 6 bis Cité Véron, le Musée de Montmartre lui consacre aujourd’hui sa nouvelle exposition.
Loin de constituer une rétrospective, “Jacques Prévert, rêveur d’images” s’intéresse au rapport entre l’homme et les arts visuels. Le parcours, qui s’articule en quatre sections, met en avant l’imagination foisonnante et l’inventivité débordante de l’artiste. La première section, biographique, revient sur son enfance, tandis que dans la seconde, on découvre son rapport intime aux artistes, dont bon nombre furent ses amis, de Calder à Picasso en passant par Braque, Ernst, Chagall et Miro. A l’étage supérieur, trois salles sont consacrées à ses collages, une activité à laquelle il se consacre de manière particulièrement importante à partir de 1948, après qu’il soit accidentellement tombé d’une fenêtre. Point d’orgue de l’exposition, la dernière section est une reconstitution du bureau de Prévert au 6 bis Cité Véron ; une installation qui fait d’autant plus sens au Musée de Montmartre qu’elle fait écho à l’atelier de Suzanne Valadon quelques salles plus tôt.
C’est en 1955 que Jacques Prévert s’installe à Montmartre, dans un appartement qu’il loue sur les toits du Moulin Rouge, voisin de celui de Boris Vian. Le lieu, inspiré par le décorateur Alexandre Trauner, est entièrement transformé par l’architecte Jacques Couëlle, qui en fait un espace refuge blanc et lumineux. Pièce maîtresse de l’appartement, le bureau devient vite une sorte de cabinet de curiosités, où l’on trouve pêle-mêle livres, statuettes, bocaux, tableaux, notes manuscrites et matériel pour ses collages. L’artiste y travaillera durant 20 ans, et c’est aujourd’hui sa petite-fille Eugénie Bachelot Prévert, qui s’attelle à pérenniser le lieu au travers de l’association “Chez Jacques Prévert” créée en 2023.
“Jacques Prévert, rêveur d’images” est une exposition réellement inédite, qui n’aurait d’ailleurs pu voir le jour sans le soutien d’Eugénie, légataire des collections de son grand-père. Le parcours permet de mieux comprendre le travail de plasticien de l’artiste, mais aussi de découvrir son exceptionnelle culture visuelle, en plus de son extraordinaire maîtrise des mots. On vous conseille de prendre votre temps et de vous approcher au plus près des oeuvres, vous y découvrirez mille et un petits détails qui témoignent, si besoin en était encore, du génie créatif de l’artiste.