On s’est retrouvé avec Noé rue Ramey pour parler d’une adresse bien connue dans le quartier : Gemüse. Le fondateur du comptoir à emporter le plus célèbre du 18e nous raconte ses débuts. Entrevue avec un passionné de cuisine qui revisite les classiques de la street-food avec brio et qui a lancé le premier “berliner kebab” parisien.
Mais qu’est-ce qu’un “Berliner Kebab” exactement ? Tenez-vous bien : il n’existe pas d’équivalent à Berlin. Noé l’a appelé comme ça parce qu’il s’est inspiré de l’iconique “döner” berlinois, mais le but était de créer le sandwich de ses rêves : celui qui lui manquait à lui, en tant que client à Paris. Il est parti du bon vieux grec qu’on trouve à tous les coins de rues, des cultures culinaires turques et allemandes mais aussi du traditionnel falafel israélien et du sabir irakien. Sa volonté était de démontrer qu’un kebab pouvait être cuisiné et que ça n’était pas (que) de l’assemblage.
Alors, ça donne quoi au final ? Un généreux sandwich 100% poulet mariné, avec une majorité de légumes grillés et du fromage frais en pagaille, servi dans un pain traditionnel turc bien chaud. Chaque mois, le “kebap du mois” repousse les frontières de la carte en mettant à l’honneur les ingrédients d’un autre un pays au travers d’une recette dédiée.
Résultat ? On ne se lasse pas de dévaler la rue Ramey depuis 2018 pour dévorer un kebab qui change de ce qu’on a l’habitude de manger, à un prix abordable : 8,50 euros pour repartir avec un sandwich classique, 12 euros avec les frites et la boisson. Chez Gemüse, tout est fait maison : la broche, le pain, la viande, les frites, les sauces et les légumes sont livrés chaque matin pour être coupés, cuisinés, assaisonnés sur place. Autre contrainte : se fixer d’avoir le moins de pertes possibles, avec une nouvelle broche qui tourne sur elle-même à chaque service pour mieux gérer les quantités.
Mais alors, on dit kebabiste ou kebabier ? “Moi je dis kebabiste, je trouve que ça rime avec artiste ! C’est rendre honneur au gars qui découpe et qui monte la broche parce que c’est quand même un art. Mais c’est à vous de voir !” Dans tous les cas, son ambition est claire : montrer que la street-food peut avoir du goût. Une jolie manière de rendre hommage à l’histoire du kebab qui a toujours été une histoire d’influences, de frontières qui ont été traversées et de produits qui ont à chaque fois évolué. Son jeu préféré : partir du constat que le kebab est né de l’immigration turque en Allemagne, mais que s’il était né au Mali, est-ce-que ça aurait donné un kebab au mafé ? Trente recettes du mois plus tard, une tripotée de pays est passée à la casserole, ou plutôt à la broche, et a même laissé la place à des foodies qui ont pu inventer la leur : le breton et l’irakien.
Noé se concentre pour l’instant sur sa seule adresse made in 18e et sur son équipe de compétition. Tous sont formés à être à plusieurs postes à la fois, pour que chacun puisse avoir un contact avec la clientèle. Parmi les fidèles, on peut citer Fahim qui était là le premier jour de l’ouverture, et qu’on peut toujours voir derrière la caisse ou en cuisine. Mais aussi Mustafa, Subash, Amir, Mukhtar, Saci, Shafiq, Salam, Yassine, Nasser, Yohan et Faysal. Une team qui ne cesse de grandir, à l’image de l’affluence du lieu qui, elle, ne faiblit pas. Pari réussi : le midi comme le soir, la file d’attente est autant constituée de personnes âgées que de plus jeunes, de gars du quartier, de ceux qui viennent de plus loin, de ceux qui ont l’habitude du kebab classique ou de ceux qui ne mangent jamais de street-food. Chez Gemüse, il n’y a aucune livraison, l’attente fait partie du plaisir. La seule manière d’accéder au sésame c’est de se faire servir au comptoir. Pour ceux qui n’ont encore jamais testé, on vous rassure sur deux points : malgré son succès le spot prend très à coeur son engagement de restauration dite “rapide” et on ne patiente généralement jamais plus de 10 minutes pour repartir avec son sandwich. Quant aux adeptes du classique sauce blanche-tomates-oignons, vous ne serez pas pour autant refoulés à la caisse ; quelque soit votre politique vous avez le droit de vous faire entendre !
Peu de temps après avoir ouvert son comptoir, Noé a décidé de faire de sa passion son métier et a passé son CAP cuisine dans la foulée. D’abord embauché en tant que commis, il se forme à la gastronomie et il est aujourd’hui invité à prendre les rênes des fourneaux en tant que chef résident dans plusieurs restaurants, où il pose ses valises jusqu’à parfois un mois pour créer le menu, développer sa propre carte et servir à l’assiette. Il s’inspire ainsi de ce qu’il apprend ailleurs pour enrichir les recettes de Gemüse et continuer d’innover pour surprendre ses clients.
Vous l’aurez compris, il y a beaucoup de choses qui animent Noé, et parmi elles il y a aussi son attachement au quartier. En bon voisin, il ne manque pas de saluer les têtes qu’il croise et d’entamer un brin de discussion avec ceux qui l’interpellent. Après s’être imposé comme une des références du bas Ramey, il a eu la bonne idée de s’associer avec Laura et Max de l’épicerie Racines pour ouvrir une fromagerie-charcuterie rue Ferdinand Flocon. Sa compagne tient une très jolie boutique d’illustration, l’Esquermoise, juste à côté. Et à l’approche des fêtes, ils lancent tous ensemble la première édition du Marché Flocon en collaboration avec les commerçants de la rue Ferdinand Flocon. Un chouette hub d’activités diverses et variées qui participe au développement d’un carrefour qui a explosé ces dernières années et dont on peut clairement dire que l’influence de Gemüse y est pour quelque chose.