Beaucoup trop de montmartrois (et pas que !) pensent encore quâil nây a que des « croutes » ou des reproductions Made In China du cĂŽtĂ© de la Place du Tertre. Pourtant, câest Ă deux pas de celle-ci que lâon trouve lâune des plus anciennes galeries dâart de Montmartre, la Galerie Roussard, dont nous allons vous conter lâhistoireâŠ
Dans la famille Roussard, il y a dâabord AndrĂ©, le grand-oncle. Marchand de tableaux aux Puces de Saint-Ouen depuis 1945, il dĂ©cide dâinstaller sa premiĂšre galerie parisienne boulevard Rochechouart en 1948. Lâeffervescence artistique sur la Butte est intense, et la pĂ©riode correspond Ă celle oĂč de plus en plus de peintres viennent rĂ©guliĂšrement poser leurs chevalets sur la Place du Tertre et alentour, quand ils nây vivent pas. En 1953, la galerie Roussard dĂ©mĂ©nage et sâinstalle au 7 rue du Mont-Cenis, Ă la place de lâancienne blanchisserie du village. AndrĂ© Roussard propose dĂ©jĂ des Ćuvres de Dubuffet, Maurice Utrillo, Camille Bombois, Jean-Gabriel Domergue ou encore Maurice de Vlaminck.
Vient ensuite AndrĂ©, le neveu dâAndrĂ© (vous suivez ?), Ă qui ce dernier demande en 1963 de venir travailler avec lui. Alors ĂągĂ© de 24 ans, le jeune homme nây connaĂźt pas grand chose au monde de lâart et de la peinture, se destinant plutĂŽt Ă une carriĂšre de journaliste ou de publicitaire. Pourtant, il se passionne trĂšs vite pour le sujet et apprend le mĂ©tier aux cĂŽtĂ©s de son oncle, qui lui prĂ©sente tout le microcosme montmartrois. Il faut dire quâĂ lâĂ©poque, la galerie est ouverte tous les jours de 10h Ă minuit, et quâentre les artistes peintres et les cabarets voisins, lâambiance est particuliĂšrement animĂ©e. Parmi les rencontres importantes que fera le jeune AndrĂ©, il y a celle avec Gen Paul, qui ne le trouve « pas trop con pour un marchand de tableaux » ! Il deviendra ainsi le spĂ©cialiste du peintre montmartrois. En 1971, il rachĂšte le cabaret Patachou et agrandit la galerie.
Bien que nâĂ©tant pas nĂ© sur la Butte, AndrĂ© se passionne Ă©galement pour le quartier, et consacrera toute sa vie Ă le faire rayonner. Pour lui, Montmartre constituait le berceau de lâArt Moderne, et il a toujours eu Ă cĆur de faire connaĂźtre les peintres montmartrois, quâils soient connus et reconnus ou simples peintres de paysages. Mais AndrĂ© sera aussi Ă lâorigine dâun nombre impressionnants dâĂ©vĂ©nements, comme lâincroyable fĂȘte organisĂ©e en 1968 pour le baptĂȘme de la rose Rasky, durant laquelle le jardin situĂ© rue Gabrielle et qui abrite aujourdâhui des ruches avait Ă©tĂ© transformĂ© en roseraie, mais aussi lâorganisation de soirĂ©es costumĂ©es ou de Salons sur la Butte, ou encore lâinstallation dâune patinoire sur le parvis du SacrĂ©-CĆur pour les JO dâAlbertville en 1992 ! Membre fondateur de lâAssociation de dĂ©fense de Montmartre en 1974 et crĂ©ateur du Syndicat dâInitiative en 1985, AndrĂ© Roussard fait partie de ces montmartrois qui ont incontestablement marquĂ© lâhistoire du quartier.
En tant que marchand de tableaux, AndrĂ© Roussard sâimpose comme LE spĂ©cialiste des peintres montmartrois. On lui doit dâailleurs le dictionnaire des peintres Ă Montmartre, publiĂ© en 1999 et qui recense pas moins de 4285 artistes ! Dans sa galerie, mais Ă©galement lors des nombreuses expositions quâil organise Ă lâĂ©tranger, les peintres de renom sont prĂ©sentĂ©s aux cĂŽtĂ©s des jeunes artistes quâil a le talent de dĂ©couvrir ; câest lĂ toute la spĂ©cificitĂ© de la galerie, qui nâa pas changĂ© dâambition depuis.
Car dans la famille Roussard, prĂ©sentons maintenant le fils, Julien. Bien que son pĂšre ait essayĂ© de lâen dissuader, Julien ressent trĂšs tĂŽt lâenvie de suivre la voie dâAndrĂ© et de travailler Ă ses cĂŽtĂ©s. Il sâintĂ©resse dâabord aux estampes et aux lithographies, puis apprend le mĂ©tier de marchand de tableaux comme lâavait fait son pĂšre au mĂȘme Ăąge. Depuis la disparition dâAndrĂ© en 2013, Julien perpĂ©tue la tradition en organisant rĂ©guliĂšrement des expositions collectives mĂ©langeant artistes anciens et contemporains. Câest ainsi quâĂ la Galerie Roussard, les Ćuvres dâUtrillo, DelĂątre ou Gen Paul cĂŽtoient celles de Marko Stupar, Renoux, ou encore RomĂ©ro Britto, artiste pop art brĂ©silien. Nombreux sont les collectionneurs qui frĂ©quentent rĂ©guliĂšrement la galerie, tout comme les simples amateurs curieux de voir de prĂšs des Ćuvres de Suzanne Valadon ou de Toulouse Lautrec.
Julien et son Ă©pouse Sophie continuent de dĂ©nicher les talents dans les Ă©coles dâart entre autre, afin de donner leur chance Ă de jeunes artistes qui verront leurs crĂ©ations exposĂ©es parmi celles des plus anciens, cultivant ainsi le mĂ©lange des genres, entre modernitĂ© et tradition. Et qui sait, peut-ĂȘtre ces nouveaux talents deviendront-ils les modĂšles de ceux quâexposeront les futures gĂ©nĂ©rations de Roussard Ă Montmartre ?