Parce que Montmartre est sans doute l’un des quartiers les plus photogéniques de Paris, les montmartrois ont l’habitude d’assister au tournage de films ou de séries près de chez eux. Mais il en est dont ils se souviennent plus que d’autres, et celui du film de Fred Cavaillé, Adieu Monsieur Haffmann, en fera définitivement partie. Un tournage dont le monde entier a d’ailleurs entendu parler, et qui s’est déroulé « chez nous », dans la rue de Montmartre Addict…
Adapté de la pièce éponyme quatre fois récompensée aux Molières 2018, Adieu Monsieur Haffmann raconte l’histoire d’un joailler juif qui, pour fuir l’occupation allemande, propose à son employé, François Mercier, de reprendre sa boutique et tous ses biens le temps de la guerre, afin qu’il puisse les récupérer à son retour. Il s’agit d’un huis-clos qui se déroule entièrement dans la boutique et le logement du joailler, et si toutes les scènes d’intérieur ont été tournées en studio à Bry-Sur-Marne, le Paris des années 40 a été entièrement recréé dans les rues Berthe et Androuet.
Fin février 2020, les équipes déco commencent à investir la rue, et en quelques jours apparaissent les premières échoppes d’époque : chapellerie, fourreur, brocanteur, pharmacie, confiserie, corseterie… Au numéro 5, le Studio Addict devient Au Bougnat Bigot, tandis que la joaillerie de Monsieur Haffmann prend vie au numéro 8. Le 9 mars, le tournage démarre, et les riverains s’habituent à vivre au rythme des « moteur et action ! », surpris de croiser des soldats allemands ou des acteurs connus en sortant de chez eux.
Mais pendant ce temps, un méchant virus commence à se répandre dans le monde entier. A la fin de la semaine, le couperet tombe : le tournage doit être interrompu. Dès le 16 mars, on assiste tristes et médusés au départ des voitures anciennes et au démontage d’une partie du décor. Car si pour la plupart des immeubles, seules les façades avaient été repeintes, des panneaux de bois recouvraient par exemple tout le rez-de-chaussée du numéro 7, et il était impossible de laisser ses occupants dans le noir pour une durée qui s’annonçait indéterminée…
Notre rue devient alors pour le monde entier celle où le temps s’est arrêté, et les sujets dans la presse, à la télévision ou sur internet sont nombreux ; Au Bougnat Bigot est partout, dommage qu’on n’ai pas pensé à remettre une enseigne Montmartre Addict ! Le décor devient le lieu de visite favori de nombreux montmartrois et autre parisiens qui profitent de leur heure de balade quotidienne pour le voir « en vrai », et bien que toutes les affiches à caractère antisémite aient été retirées, il se dégage une impression pour le moins étrange. Durant plus de deux mois, la rue va rester en l’état, certains membres de l’équipe venant régulièrement faire des retouches lorsqu’ils constatent que des éléments ont été dégradés.
Jusqu’à ce que le 1er juin, le tournage puisse enfin reprendre avec un effectif de tournage réduit et dans des conditions sanitaires très strictes qui nécessiteront la réécriture de certaines scènes. Moins d’une semaine plus tard, le décor était définitivement démonté, la rue Androuet retrouvait ses couleurs d’origine et notre Studio en profitait pour se refaire une beauté.
Quelques mois plus tard, des scans 3D étaient réalisés dans la rue pour permettre de capturer les mesures des bâtiments et ainsi retravailler le décor en post-production. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le résultat est pour le moins bluffant ! Car si on reconnaît évidemment parfaitement notre quartier, toutes les profondeurs de rues et les hauts des immeubles ont été modifiés. On avoue, on a eu du mal à se concentrer durant toute la première demi-heure tant notre regard était attiré par les détails du décor. Mais l’histoire est tellement prenante et le casting exceptionnel qu’on est très vite rentré dans le film, en notant toutefois que Blanche ne prenait pas le bon chemin pour se rendre à la blanchisserie, mais ça, seuls les montmartrois le verront !
Pour le reste, on vous laisse découvrir cette histoire passionnante, et si vous restez jusqu’à la fin du générique, vous verrez même que les habitants de Montmartre sont remerciés. Nous, on remercie Fred Cavaillé d’avoir choisi notre quartier, et comme lui, on souhaite au film autant de notoriété que son décor !