C’est Ă un vĂ©ritable voyage dans le temps que nous convie le MusĂ©e de Montmartre depuis octobre dernier. Après de longs mois de travaux, deux nouveaux espaces ont ainsi Ă©tĂ© inaugurĂ©s Ă l’automne : l’hĂ´tel Demarne, entièrement rĂ©novĂ©, qui accueille dĂ©sormais les expositions temporaires, et l’atelier-appartement de Suzanne Valadon.
C’est à Hubert Le Gall, designer et scénographe, qu’a été confiée la lourde tâche de reconstituer « à l’identique » ce lieu chargé d’histoire, occupé successivement par Raoul Dufy ou Emile Bernard, mais également par les écrivains Léon Bloy et Pierre Reverdy. Suzanne Valadon s’y installera une première fois en 1898, avant d’y revenir en 1912 avec son fils Maurice Utrillo et son jeune époux André Utter. Elle y vivra jusqu’en 1926, y peignant quelques unes de ses toiles les plus célèbres.
Hubert Le Gall, qui connaît bien Montmartre puisqu’il occupe lui même l’atelier occupé jadis par le peintre Bonnard à la Cité des Fusains, s’est livré à un véritable travail d’archéologue, et parle volontiers d’un exercice de style en forme de trompe l’œil. Parce qu’il n’existe que très peu de photographies de la famille à l’époque, il a principalement travaillé à partir des tableaux de Suzanne Valadon et Maurice Utrillo réalisés entre 1915 et 1925. Durant plus d’un an, il a ensuite chiné tous les objets et les éléments de décor, rajoutant une foultitude de détails pour que l’ensemble ne fasse pas trop neuf ; car il faut le savoir, rien n’est d’origine dans cet atelier, hormis le chevalet de Suzanne.
L’effet est cependant saisissant, et la mise en scène plutĂ´t rĂ©ussie. Rien n’a Ă©tĂ© laissĂ© au hasard, pas mĂŞme les traces de suie au dessus du poĂŞle Ă charbon, ce qui a d’ailleurs dĂ©clenchĂ© quelque critiques acerbes de la part de certains puristes, allant mĂŞme jusqu’à qualifier la reconstitution de grotesque… Il n’empĂŞche que la visite de l’atelier nous ramène vĂ©ritablement près d’un siècle en arrière, et puisque, jusqu’à preuve du contraire, la machine Ă voyager dans le temps n’existe toujours pas, c’est une jolie façon de dĂ©couvrir ce que pouvait ĂŞtre le quotidien d’une artiste comme Suzanne Valadon.