Si vous êtes observateurs, vous avez certainement déjà croisé Akiza dans les rues de Montmartre. C’est son visage qu’on reconnaît en premier, avec sa coiffure à mi-chemin entre le champignon et la méduse. Elle est mignonne et paraît bien inoffensive, mais pas tant que ça quand on la regarde de plus près ! Bien sûr, elle ne vous fera jamais de mal, mais sous ses airs innocents, elle cache bien des secrets réservés aux adultes…
Cette petite poupée, née à l’automne 2003, est le fruit d’un projet artistique initié par Robinson, spécialiste es typographie, calligraphie et graphisme, et de Yoshii. Tous deux fans de culture alternative, ils ont façonné leur poupée à l’image d’une icône sensuelle et perverse, pleine de paradoxes, à la fois indécente et réservée, libre et emprisonnée. Son univers est celui du lowbrow, cet art pictural apparu aux Etats-Unis à la fin des années 70, qui se joue des codes de l’art classique en détournant ceux de l’art populaire issu des médias, créant des œuvres à la fois joyeuses et humoristiques mais bien souvent grinçantes, expressions d’un courant pop-surréaliste présenté notamment à la Halle Saint-Pierre lors des expositions « Hey ! ».
Atypique et paradoxale, Akiza l’est par nature sans nul doute, tout comme l’est son parcours. Et si elle s’affiche aujourd’hui sur les murs de nos rues, elle n’en est pas moins passée par ceux des galeries. C’est même d’ailleurs par là qu’elle a commencé, car contrairement à la plupart des street artistes, Robinson a d’abord réalisé des fresques dans des galeries avant de s’exprimer dans la rue. Akiza est également présente sur des tee-shirts, qui lui permettent ainsi d’intégrer la vraie vie.
C’est pour prolonger cette démarche originale que Robinson et Yoshii ont décidé d’ouvrir leur propre galerie il y a maintenant trois ans. Et parce qu’ils sont avant tout des artistes, ils revendiquent leurs choix en tant que tels et pas en tant que galleristes. Leur univers est donc celui d’Akiza, un peu comme si la poupée nous ouvrait ses portes. On retrouve régulièrement pas mal de street artistes, comme Le Cyklop, qui a d’ailleurs été le premier à être exposé, ou Codex Urbanus dont on croise régulièrement les créatures sur les murs de Montmartre. Les expositions, qui changent environ tous les mois et demi, mettent en avant des thèmes ou des artistes, et se découvrent toujours selon deux niveaux de lecture. D’ailleurs, il faut le savoir, si les plus jeunes sont toujours les bienvenus à la galerie, la salle du fond est souvent réservée à un public averti. Actuellement et jusqu’au 26 juillet, ce sont les animaux qui sont mis à l’honneur.
Le choix de Montmartre ne s’est pas fait par hasard, surtout quand on connaît le passé artistique et historique de la Butte. N’en déplaise aux âmes prudes ou sensibles, Picasso ou Toulouse Lautrec ont aussi en leur temps été considérés comme des artistes subversifs et décalés ; Akiza a donc aujourd’hui toute sa place dans le quartier. Alors n’hésitez pas à entrer au 3 rue Tholozé, vous pourriez bien être étonnés…